Intuitine, extrait
Il lui sembla alors que des voix s’élevaient autour de lui pour l’inciter à se battre, à attaquer le premier, comme dans la cour de récré de son enfance lorsqu’un différend se réglait aux poings, entre hommes, et que les camarades toujours bien intentionnés faisaient cercle autour des belligérants en rivalisant d’ingéniosité pour exciter et motiver tantôt l’un, tantôt l’autre, au gré de l’évolution du combat et en fonction de qui prenait le dessus.
Sauf qu’ici, dans cette antre sordide, pas d’instit’ pour séparer les enragés, pas d’arrêt des hostilités avant que ça n’aille trop loin, pas de coup de sifflet marquant la fin des jeux.
L’espace de quelques interminables secondes, la flamme de la bougie éclaira le visage de l’agresseur.  Il eut le temps de voir dans ce visage l’étincelle meurtrière qui l’animait, cette marque si singulière qui se lit dans le regard de l’être humain qui est déterminé à tuer et que rien ne pourra détourner de son dessein.

Dans le même temps, il identifia l’homme, qui n’avait pas pris la peine de dissimuler son visage. Il en fut médusé et la surprise ainsi générée le désarçonna un court instant. Il réalisa en un éclair que la non dissimulation de ce visage familier révélait la détermination irrévocable et jusqu’au-boutiste de l’individu.
C’est alors qu’un coup d’une violence inouïe le frappa sur les jambes et le fit basculer
sur le côté dans un râle d’outre-tombe.
A peine, après un moment d’hésitation, sa conscience eut-elle décidé de ne pas sombrer, qu’un nouveau coup le frappa en pleine face, sur la joue droite. Ce qui lui sembla être une pluie de coups de pied tous plus féroces les uns que les autres s’abattit alors sur ses épaules, ses côtes, sa poitrine, ses cuisses… dans un acharnement inéluctablement destructeur.
Le moment de répit qui suivit aurait dû lui paraître suspect, s’il avait eu encore la force de réfléchir.
Il vit soudain la pointe acérée d’un tisonnier rouillé pointer au-dessus de son crâne, à distance respectable de son front, suffisamment respectable pour autoriser une prise d’élan définitive. Dans un dernier effort surhumain, il rampa sur le dos afin de se dégager de la menace, mais pas suffisamment pour éviter que le pic n’aille se planter à toute volée dans son épaule, lui arrachant un brame de douleur et lui faisant perdre définitivement connaissance. 
Sa dernière pensée fut pour Maria, dont le visage lui apparut comme un ange venu du ciel pour l’accueillir...

 

 
 



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